Julie Perrin
Enseignante-chercheuse Université Paris-8 – Danse
Du « témoin » au « baigneur »
Catherine Contour développe un art qui, dans la lignée de l’art participatif et social, reconfigure la relation traditionnelle entre l’objet d’art, l’artiste et le public – un art où l’artiste est considéré non plus comme le producteur d’une œuvre mais comme un inducteur de situations, où le spectateur apparaît comme acteur ou participant. La chorégraphe n’engage néanmoins pas les gens dans un processus social de longue durée. Elle ne fait pas non plus des gens le médium ou le matériau principal de ses œuvres en les transformant en performers. L’autoportrait occupant une place centrale, la chorégraphe œuvre plutôt en maître de cérémonie. Il s’agit alors pour elle de repenser la situation spectaculaire dans une plus grande porosité à la présence du public, autrement dit, d’une part de laisser agir l’influence potentielle de cette présence sur son geste et, d’autre part, de concevoir précisément des situations qui mettent le spectateur dans une certaine disposition.
Chorégraphier une situation
Catherine Contour nous confronte à la puissance évocatrice des lieux. Elle invite à prêter attention au lieu tout autant qu’à ressentir notre présence à lui comme à nous-mêmes. Il s’agit peut-être, pour reprendre l’expression de Roland Barthes parlant de son activité de spectateur de cinéma, de « compliquer une “relation” par une “situation” ».
Pascal Rousseau
Historien de l’art, curateur et enseignant-chercheur Université Sorbonne et École des beaux-arts de Paris
La disposition du corps - L’hypnose comme média chorégraphique
Catherine Contour recourt depuis une quinzaine d’années à l’hypnose dans sa pratique chorégraphique. Elle tente, par ce biais plutôt inattendu mais attentif à l’économie du geste dans le rapport au monde et aux autres, de renouveler l’expérience de la danse, en convoquant les vertus créatives du « processus hypnotique ». […] Elle transmet cette technique aux danseurs et aux spectateurs, lors de performances collectives mais aussi de cycles de formation à destination d’un public qu’elle souhaite le plus élargi. Il y a là une manière de renouveler, de manière poétique et pragmatique, la question de la diffusion du geste chorégraphique et de la déplacer vers de nouveaux enjeux émancipateurs, touchant aussi bien un accomplissement individuel de la posture du corps qu’un « partage du sensible » plus collectif 1.
1. Jacques Rancière, Le Partage du sensible. Esthétique et politique, Paris, La Fabrique, 2000.
Jérôme Delormas
Directeur de la Gaîté Lyrique (2016)
Catherine Contour est une artiste qui ne se limite pas à une pratique bien définie. A partir de chorégraphies, de performances, nourries ces dernières années par sa connaissance de l’hypnose, elle a réalisé des films, des photographies, des « déguisements », créé des jeux ou un certain art du jardinage, et travaillé avec des danseurs mais aussi des vidéastes, des designers, des musiciens, des écologues, des scientifiques, des médecins, n’hésitant jamais à sortir du cadre, se mettant volontiers hors champ. Ce cadre et ce hors-champ l’intéressent pourtant bel et bien, tout comme la notion de protocole et tout ce qui va régler nos regards, nos sensations et nos relations. Catherine Contour multiplie les points de vue (films, performances, repas partagés, par exemple) et les démultiplie encore en invitant certains « spectateurs » à en être des témoins.
Témoins de quoi ? De ce que l’artiste leur propose de vivre pour s’en faire l’écho augmenté de leur perception, de leur imaginaire, de leur filtre. Comme les propositions artistiques de Catherine Contour, les témoignages peuvent prendre diverses formes : écrits, films, conférences, photos, discussions, livre, objet. Ces démultiplications par ricochets mettent alors en mouvement la pensée, les émotions et les corps. Qu’il soit immobile, quasi immobile ou en mouvement, le corps est au centre de la démarche de Catherine Contour, il est un corps pensant, ressentant, qui relie au monde et aux autres. Ces mises en mouvement relèvent de l’attention, des attentions que nous portons au monde.
L’hypnose est caractéristique de cette démarche de liens et d’attentions. Cette technique ouvre de nouveaux possibles que Catherine Contour utilise comme un véritable outil artistique. Un outil dont l’efficace est transmise aux autres sous la forme de l’autohypnose, une autre façon de relier les liaisons.
Ainsi, Catherine Contour invite les « spectateurs », les reçoit pour partager avec eux une expérience ouverte et personnelle. Elle suscite l’intime dans le groupe, l’une des choses les plus difficiles à réaliser pour un artiste. Ces relations créent des communautés éphémères et mouvantes qui permettent de partager des expériences et des sensations, de libérer les énergies dans le cadre d’espaces-temps totalement spécifiques, rompant les verticalités de notre monde qui fonctionne sur du court terme et du spectaculaire. Et cela crée du mouvement, qu’il soit quasi imperceptible ou plus manifeste.
Catherine Contour poursuit sa marche sur des chemins buissonniers, une marche infinie de connexions, de mouvements, d’analogies et d’inventions qui nous emmènent là où on ne s’y attend pas. Bonheur de la surprise et de la découverte de soi et du monde. Bonheur de la marche.
Catherine Contour vue par - en images
Felipe Ribon
Niels Najean
Autoportraits
Bio
Bio courte
Catherine Contour
née à Paris, vit près de Grenoble, travaille où l’entrainent hasards et rencontres.
Diplômée de l’École nationale supérieure des arts-décoratifs de Paris en scénographie, elle se forme à la danse contemporaine dans le foisonnement des années 80 à Paris et à New-York.
Depuis la danse, son ancrage principal, elle n’a de cesse d’explorer le corps, le geste dansé dans ses dimensions poétiques et politiques, les dispositifs de mise en relation, en tissant des liens subtils avec lieux et milieux. En 2008, elle fonde Maison Contour, marque de fabrique artistique artisanale et sur-mesure de pièces situées. Son travail comporte une forte dimension de recherche et de transmission en dialogue étroit avec d’autres champs et d’autres cultures dont celle du Japon. Depuis 2002, elle se passionne pour les possibilités artistiques et pédagogiques de la technique hypnotique. Elle conçoit l’outil hypnotique pour la création et la pratique chorégraphique Danser brut en collaboration avec une équipe d’artistes et d’enseignants-chercheurs au sein du laboratoire Bains. De la danse aux jardins, de l’art de la sieste à la cérémonie du thé, de la photographie à la céramique, du film à l’hypnose, elle transforme ces expériences en objets ou « rituels » proposant une bascule vers la fantaisie et l’imaginaire. Ses créations aux formats variés proposent des modes d’habitation où peuvent se déployer des figures chorégraphiques et des modalités d’être ensemble qui intensifient la présence au monde.
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Bio longue
Films sur vimeo et filmographie
Films réalisés avec Mathieu Bouvier :
- Les transparentes (2022, deux versions durées : 29:55 et 16:24) avec la bourse video-danse Adami-Briqueterie.
- Plongées au noir : vimeo.com/719994117 (2022, durée 20:23)
- Une Plage en Chartreuse - Suites japonaises: vimeo.com/377421258 (2019, durée 19:20)
- Un bain au Lam - Danser brut: vimeo.com/337883313 (2018, durée 9:40)
- Plongées à la Gaité lyrique: vimeo.com/104793373 (2014, durée 54:26)
- Danse avec hypnose de Catherine Contour - Une filature par Mathieu Bouvier: vimeo.com/105479384 (2014, durée 11:48).
- 4 Plongées au musée de la chasse & de la nature: vimeo.com/219602449 (2017, durée 11:16)
Filmographie Catherine Contour
• Une Plage à Royaumont (2012, durée 11’) - film réalisé pour la Plage
• Je pars en Chine ! (2012, durée 11’) - film réalisé pour Une Plage à Pont-de-Claix
• Constellation (2012, durée 10’) - film pour l’installation Constellation à la Gaité Lyrique/Paris
• Une Plage au CRC de Canal+ Rennes (2010, durée 26’)
• Festina Lente / Rennes (2010, durée 21’) - film réalisé pour Une plage au CRC de Canal+ Rennes
• L’art du repos au bout du plongeoir / nuit (2010, durée 10’)
• Pré-manifeste provisoire, Blois (2008, durée 2‘40“)
• S.O.S., Dieppe (2007, durée 8’15“)
• Atelier aux Laboratoires d’Aubervilliers / 2006 (2007, durée 17’)
• Bande-annonces dans le cadre de la création Feuilleton -en épisodes- Super Production Chorégraphique à Poils (2007) :
1 avec Jennifer Lacey - 12’23“
2 avec Christophe Fiat - 8’49“
3 avec Mickaël Phelippeau/Virginie Thomas - 8’
4 avec Christine Jouve et ses tortues barbues (en cours)
5 avec Laurent Pichaud (en cours)
6 avec Benoît Lachambre - 45’
• B-A BLOIS / 2007 (2007, durée 3’50“)
• Sapinière - Aux héros de la Danse Libre avec Laurent Pichaud (2007, durée 8’)
• 1er mai 2006 – duos (2006, durée 1’50“)
• Grand Pierre (2006, durée 2’)
• GUI (2006, durée 20’) pour une installation au musée de l’objet à Blois
• L’agonie de la mouche dans le cadre de Circles of moving, speaking and writing (Rivoiranches) (2006, durée 5’)
• Poupées chinoises de Rivoiranche (2005, durée 4’18“)
• Poupées japonaises de Rivoiranche (2005, durée 2’34’‘)
• KOB/2006 – Que fabrique Catherine Contour ? (2006, durée 12’43“)
• Mouches (2004, durée 7’)
• Sur autoportrait aux jardins de Barbirey (Atelier de Production de l’école d’arts de Rueil-Malmaison), 2003 - 55’
• Journal chorégraphique C.C. 1996-97 (1996-97, durée 40’)
Films réalisés avec Anastase Cook
- Lisbonne, Film super-8 (1994, durée 14’) dans le cadre de SKITE
- Danses roumaines, Film super-8 (1994, durée 15’) avec les Pépinières européennes de jeunes artistes (avec quatre danseur.euse.s roumain.e.s)
- Les épouvantails / Saint Quentin, Film super-8 (1994, durée 6’) pour une installation (Saint-Quentin et Lisbonne)
- Big Edredon Rouge, Film super-8 (1994, durée 7’)
- Les épouvantails, Film super-8 (1993, durée 43’)
- La nonne sanglante, Film 16 mm (1989, durée 26’33)
Objets éditoriaux
Livres
Créations radiophoniques
Atelier de Création Radiophonique par Catherine Contour - Réalisation Christine Diger
1ère diffusion le 11 septembre 2005 sur France Culture.